Le Lundi des Créateurs : Adeline Constant (Atelier Constant-Berger)
Suite à un voyage en Afrique, Adeline et Léandre ont décidé de reprendre la distillerie familiale. En plus de préserver ce patrimoine, le couple se donne comme mission de développer toute une filière fruiticole durable en plus de leur jus, cidres et eaux-de-vie avec la culture en hautes tiges.
Bonjour Adeline, merci d’être venue répondre à mes questions ! Peux-tu me parler de toi sans évoquer ton métier ?
Je m’appelle Adeline Constant, j’habite à Herve mais je suis Liégeoise d’origine. J’ai fait mes études primaires, secondaires et supérieures ici à Liège.
Je dirais que ce qui me définit ce sont mes passions. D’abord mes amis, ensuite le sport, plus particulièrement le vélo. J’adore aussi faire du yoga dans mon temps libre et j’adore la nature, qui est aussi un peu le point de départ de notre projet.
Quel a été ton parcours professionnel jusqu’à aujourd’hui ? Quelles études as-tu faites ?
Avant de presser des pommes, j’ai fait des études de gestion à HEC, et en sortant de mes études, j’ai travaillé au VentureLab, l’incubateur de start-up étudiantes ici à Liège. Je faisais un mi-temps là-bas et l’autre mi-temps chez Eklo, où on accompagnait des entreprises pour développer tout leur business plan et on faisait des études de marché pour lancer des business.
J’ai travaillé pendant un an et demi et puis on a décidé de voyager avec mon compagnon. On a quitté nos boulots, lui travaillait chez Odoo, et on a décidé de partir un an : six mois en Afrique et six mois en Australie.
C’est en Afrique que nous est venu l’idée de reprendre la distillerie familiale. Dans ma famille, on produit du peket depuis six générations. En étant loin de nos familles et loin de chez nous, on s’est rendu compte de la richesse de ce patrimoine familial.
On a donc réorienté notre voyage et on a été apprendre à distiller au Cap, en Afrique du Sud. Là-bas, un distillateur de gin a accepté de nous apprendre son métier et même de nous loger dans la distillerie si en échange, on travaillait pour lui.
Quand on est rentré en Belgique, on est allé trouver mon oncle, qui était le gérant de l’entreprise familiale, on lui a dit qu’on était hyper motivé de reprendre l’affaire. Il a préféré finaliser sa carrière et on a compris qu’il valait mieux repartir d’une page blanche.
C’est ce qui nous a permis d’ouvrir le projet. Léandre a continué sa formation en distillation à Hasselt, au musée du Genièvre. Et on s’est dit « Pourquoi pas distiller aussi des fruits ? » car entre temps, on s’était installé à Herve. De la distillation de fruits nous est venu l’idée d’ajouter la partie pressoir et cidrerie à notre entreprise, qui sont les étapes entre le fruit et le distillat.
Au-delà de votre envie de faire quelque chose à partir de votre apprentissage, y avait-il une autre motivation derrière votre projet ?
Notre première motivation était de préserver le patrimoine familial. Ensuite, grâce à notre voyage, on a vraiment eu l’occasion de voir la beauté de notre planète donc on voulait absolument que dans notre métier, et donc dans notre projet entrepreneurial, la préservation de l’environnement soit un élément clé.
C’est pour ça qu’on s’est très vite intéressé aux différentes cultures de fruits et qu’on a découvert qu’il y avait une manière durable de produire des fruits via la culture en hautes tiges. On en a fait notre mission : au-delà de produire du jus, du cidre et des eaux-de-vie, on développe toute une filière fruiticole durable.
Les fruits qu’on utilise ne viennent que de vergers hautes-tiges. La particularité est donc que nous avons une soixantaine de fournisseurs qui sont des particuliers. Pour le moment, les arbres sont soit chez des particuliers, soit chez des fermiers passionnés.
Depuis le lancement du projet, il y a 3 ans, pas mal de gens ont replanté des grands vergers donc dans 7 à 10 ans, on aura énormément de fruits issus de cultures durables.
Une partie de l'Atelier Constant-Berger. Crédit photo : Lorraine Hellwig
Avez-vous des actualités dont tu as envie de parler ?
L’été dernier, on a sorti trois cidres différents. Le premier, c’est notre cidre classique, on travaille en fermentation spontanée avec des fruits de vergers hautes tiges. On l’a sorti en bouteille mais aussi en futs.
Ensuite, l’année 2022 a été l’année des collaborations. C’est une partie super chouette du métier de rencontrer des gens aussi passionnés que nous et d’allier nos univers.
On a fait une première collaboration avec des amis qui ont créé un label de musique qui s’appelle Magma, à Bruxelles. On a voulu allier cidre et musique sur une même bouteille. Il y a un QR code sur celle-ci qui renvoie vers une playlist réunissant tous les artistes du label. C’est une manière de faire connaitre notre produit à leur communauté et de faire connaitre leurs artistes à la nôtre.
Et la deuxième collaboration s’est faite avec la brasserie de l'Ermitage à Bruxelles. Eux sont très créatifs et nous ont demandé de leur envoyer du jus de pomme qui venait de démarrer une fermentation et grâce à ça, ils ont démarré la fermentation d’une bière. Donc ce sont des levures sauvages de chez nous qui ont démarré la fermentation d’un bière à Bruxelles. C’est donc un hybride bière-cidre qui est sorti fin août.
Y a-t-il des choses dont tu te réjouis en cette fin d’année 2022 ?
La saison de presse, de septembre à mi-novembre, c’est le moment où on est le plus à fond, on presse des fruits tous les jours. Cette année, on a beaucoup de fruits qui sont arrivés donc c’est hyper prometteur.
Est-ce que vous avez des rêves un peu fous pour votre projet ?
Si tu posais la question à Léandre, ça serait d’avoir une magnifique cidrerie avec des cuves de 10,000 litres pour pouvoir transformer tous les fruits de vergers hautes tiges de la région ! (Rires)
Moi, c’est pas exactement le même rêve mais plus ou moins. En tout cas, ça serait d’avoir un endroit qui soit aussi un lieu de vie et qu’on puisse faire vivre notre projet dans le pays de Herve, que cet endroit soit complètement intégré à la région.
Si tu pouvais donner un conseil au gens qui vont lire ton interview ou leur dire quelque chose qui te tient à cœur, ça serait quoi ?
Tant qu’ils peuvent, essayer de comprendre d’où vient leur alimentation, comment elle est produite et s’intéresser aux producteurs qui sont derrière leurs assiettes. C’est beaucoup plus facile de fermer les yeux et de faire ses courses comme on l’a toujours fait mais quand on commence à s’y intéresser, on se rend compte que beaucoup de choses sont incohérentes.
Quand on adapte son alimentation, ça devient un plaisir de faire vivre des gens de sa région, de voir tout ce que notre terroir peut nous apporter.
Interview réalisée par Julia Blaimont