Le Lundi des Créateurs : Noémie Broder (Red Orb)
Derrière l'humour et la folie de Red Orb se cache Noémie, jeune femme passionnée de photos anciennes qui a décidé de suivre le chemin qu'elle s'est créé. Aujourd'hui maman depuis quelques mois, elle se livre sans tabou sur sa vie bien remplie !
Bonjour Noémie ! Merci de faire cette petite interview ! Peux-tu te présenter, mais sans parler de ton métier ?
Je suis bourrée de contradictions et hyper sensible, voire même un peu torturée. (Rires)
De l’extérieur, je suis plutôt calme et positive mais intérieurement je suis assez dure avec moi-même et avec les autres. Je crois que c’est une constante chez la plupart des artistes : il y a surement une blessure d’ego dont on est plus ou moins conscients et avec laquelle on compose plus ou moins bien.
Perso, j’essaie de rester humble car je déteste la prétention, mais je tombe souvent dans le syndrome de l’imposteur. J’ai été élevée dans la comparaison et ça me poursuit un peu même si je sais que la comparaison est inutile, surtout en matière artistique. C’est un truc qui vient des tripes et j’ose espérer que mes tripes sont uniques !
Malgré ce côté un peu torturé et compliqué, je crois que je me bonifie avec l'âge. Parce que je m'inquiète moins de l'image que je donne et surtout, je prends confiance en moi et en ma faculté de mener ma barque de façon indépendante Ça, c’est surtout grâce à Red Orb. Mener une petite entreprise seule, ça permet d'apprendre beaucoup, de se casser la gueule parfois et de continuer quand même !
C’est aussi grâce à ma fille qui me donne une force incroyable. Je suis maman depuis 5 mois et je ne le réalise pas encore vraiment. J’avais beaucoup de craintes par rapport à ça et j’ai toujours eu un humour assez cynique sur la maternité mais je me surprends à être une maman louve et à vraiment aimer ça ! Je me dis régulièrement "comment est-ce possible que j'ai créé un tel chef d'œuvre ?" (Rires)
Quel a été ton parcours professionnel jusqu’à aujourd’hui ?
J’ai longtemps voulu faire la psycho à l’unif mais j’étais très influencée par mon père qui disait que ça ne servait à rien et ne m’en pensait pas capable car j’avais des résultats assez faibles en sciences et maths. Du coup, par élimination, j’ai fait des études d’institutrice. Alors, c’est un métier magnifique mais je pense que c’est avant tout une vocation, et je ne l’avais pas du tout ! J’ai raté en dernière année et pour me faire oublier, j’ai travaillé un peu dans le secrétariat.
À 25 ans, j’ai décidé de reprendre des études que j’avais choisies et financées, cette fois-ci. J’ai fait la communication et j’ai réussi haut la main. Ça a été ma première grande fierté après avoir pensé que j’étais foutue… Depuis 2013, je bosse dans ce secteur, surtout pour des ASBL ou en tout cas des entreprises qui ont du sens pour moi.
Aujourd’hui je travaille toujours là-dedans à mi-temps pour l’Université Saint-Louis et avec mon autre mi-temps je me mets le défi de développer Red Orb et de m’occuper de ma fille… Sacré challenge ! (Rires)
"Je pense que le deuil d’un proche, dans des conditions si brutales donne une urgence de vivre et ça m’a donné envie d’aller plus loin que ma chambre… De créer du beau ET de le montrer, le diffuser."
Qu’est-ce qui t’as inspiré à créer Red Orb ?
C’est un peu difficile comme question, parce que j’ai toujours été créative, j’ai toujours été un peu l’artiste de la famille. Quand j’étais petite, je dessinais des femmes, un peu femmes fatales, sans doute à l’image de ma mère qui était avocate et qui travaillait beaucoup.
J’ai ensuite été très vite attirée par l’image imprimée, je bidouillais déjà sur la suite Adobe depuis 2008 ? J’ai fait beaucoup de photo, j’avais des clients occasionnels déjà plusieurs années avant Red Orb, et j’étais très attirée par les photos anciennes.
Je ne pourrais pas expliquer cette attirance vers l’ancien avec certitude mais c’est peut-être lié à ma grand-mère paternelle pour qui j’avais un amour immense. Elle a été cachée pendant la guerre et n’a jamais su me raconter ce qu’elle a vécu, je pense qu’il restait énormément de souffrance dans son histoire. Je ressentais cela depuis toute petite et les photos anciennes sont comme des bouts d’histoires qui restent et qui parlent malgré le silence… Idem pour les mots, qui sont encore plus importants pour guérir les maux.
J’ai aussi vécu un choc émotionnel 2 mois avant le lancement de ma marque, la mort de mon père des suites d’une opération tout à fait bénigne, il était en pleine forme. Je pense que le deuil d’un proche, dans des conditions si brutales donne une urgence de vivre et ça m’a donné envie d’aller plus loin que ma chambre… De créer du beau ET de le montrer, le diffuser.
As-tu des actualités liées à ta marque ?
J’en ai toujours… Je dois me calmer car j’ai tendance à produire plus que ce que je ne suis capable de communiquer ou montrer. Or l’idée, de plus en plus, c’est quand même de vivre en partie de Red Orb, donc il faut que je sois plus stratégique et que je produise de façon plus structurée.
Disons que l’actualité du moment, c’est que je reprends mon boulot de chargée de com à mi-temps afin de développer Red Orb et de voir si je peux en vivre. Là, je reprends un peu mon démarchage de boutiques, j’essaie d’améliorer mon site et je vais essayer de disséminer aussi mes services graphiques pour avoir plus de clients. Je viens de terminer une collab avec une dame qui ouvre des gîtes sur la terre de ses ancêtres et m’a demandé de créer de la déco sur base de leurs photos anciennes, c’était super gai.
Pour mes créations à moi j’ai toujours plein d’idées. Je suis sur un nouveau projet d’affiche dans la même veine que l’Abelgecédaire et je crée tout le temps de nouveaux badges… J’aimerais un jour tenter les bijoux et peut-être d’autres accessoires comme des portes clés, par exemple.
Du côté plus « pro/admin/entrepreneurial » j’aimerais aussi m’entourer un peu plus de gens qui pourraient m’aider pour ma com, mon site, ma compta, car je souffre parfois de ma grande solitude face à mon million d’idées à la minute. (Rires)
Le bureau coloré de Noémie, où les créations Red Orb prennent vie. Crédit photo : Noémie Broder
De quoi te réjouis-tu pour la seconde moitié de 2022 ?
De me donner les moyens et le temps de développer ma marque… Va m’falloir des fameuses to-do listes ! (Rires) C’est la première fois depuis 2018 que j’allège un peu mon temps de travail pour me consacrer à Red Orb. C’est stressant mais surtout excitant.
As-tu des rêves un peu fous, des envies pour le futur ?
Je rêve d’un jour ouvrir un gîte et de pouvoir y diffuser mes créations. Je ne me vois pas ouvrir ma boutique mais pourquoi pas avoir un atelier boutique qui ouvrirait au public quand je le souhaite et qui serait aussi un lieu d’accueil où les gens pourraient se ressourcer…. J’ai moi-même besoin de m’évader de Bruxelles régulièrement.
Sinon en termes plus réalistes et concrets : mon rêve le plus fou est de continuer Red Orb malgré la difficulté de rester confiante en mon talent….
Si tu pouvais dire quelque chose ou donner un conseil aux gens qui vont lire ton interview, t'aurais envie de leur dire quoi ?
De ne pas oublier que dans cette société lissée à coups de likes et de followers Instagram, les choses et les gens restent complexes et nuancés … Et qu’il ne faut pas juger un artiste ou un entrepreneur à sa façon de communiquer sur le web ou les réseaux sociaux, et je ne dis pas ça que pour moi ! (Rires) Et par extension : fuir la comparaison ! Même si je suis la première à le faire …
En gros, faire confiance en son unicité. Et bien sûr, ne pas avoir peur d’essayer, de partager, de montrer… J’ai beaucoup de gens autour de moi qui ne sont pas heureux dans leur vie professionnelle, qui cherchent un sens à leur vie et je rêve de les voir diffuser leurs talents : vendre leurs pâtisseries, ou leurs services de déco d’intérieur ou encore faire des ateliers d’alphabétisation… Mais c’est dur de se démarquer et de sortir du schéma qu’on nous inculque depuis tout petit : « paie ta schneck et ferme ta… »
En fait on peut être heureux quand on fait ce qu'on aime et qu’on le partage. Même si, comme partout, il y a des zones d’ombres et de turbulences avec soi-même…
Interview réalisée par Julia Blaimont